vendredi 31 août 2007

4 mois, 3 semaines, 2 jours


Le film du roumain Cristian Mengiu vient de sortir en salles. il a reçu la Palme d'Or du Festival de Cannes 2007 et le prix de l'Education nationale.

1987, Roumanie, quelques années avant la chute du communisme.Ottila et Gabita partagent une chambre dans la cité universitaire d’une petite ville.
Gabita est enceinte et l’avortement est un crime. Les deux jeunes femmes font donc appel à un certain M. Bébé pour résoudre le problème. Mais elles n’étaient pas préparées à une telle épreuve.

Article du Monde du 28/08/07

La folie nataliste de Ceausescu

Pour lutter contre la baisse de la natalité, le Conducator promulgue, le 1er octobre 1966, le décret 770, qui interdit brutalement tout avortement. Quelques mois plus tard, le régime impose un impôt spécial aux femmes de plus de 26 ans qui n'ont pas encore procréé et rend le divorce quasiment impossible pour les parents d'enfants de moins de seize ans.


Dans sa folie nataliste, afin d'asseoir sa puissance économique et militaire, l'Etat roumain assigne à son peuple des objectifs chiffrés : le pays doit compter 25 millions d'habitants en 1990, 30 millions en l'an 2000. "Toute femme en âge de concevoir doit avoir au moins cinq enfants, résume en février 1989 un officiel roumain devant la commission politique du Parlement européen. C'est un devoir patriotique. Un certain pourcentage du salaire du couple est prélevé jusqu'à la naissance du cinquième enfant. Des examens gynécologiques sont effectués à intervalles rapprochés pour déceler les interruptions de grossesse. Ces médecins font partie de ce qu'on appelle en Roumanie la police gynécologique."

DÉGÂTS TERRIBLES

Dans un pays où la contraception est quasiment inaccessible et où l'avortement est passible de prison, le gouvernement parvient dans un premier temps à gouverner les destins - en 1967 et 1968, le taux de fécondité double, passant de 1,9 à 3,6 enfants par femme -, mais les réseaux clandestins prennent rapidement le relais des hôpitaux d'Etat. Les dégâts sont terribles : de 1968 à 1989, les orphelinats se remplissent - 150 000 enfants abandonnés à la fin du régime communiste - et près de 10 000 Roumaines meurent par avortement.

Il y a aussi les drames plus intimes. "Les femmes avaient perdu tout intérêt pour l'érotisme, et la sexualité les effrayait, témoigne Mihaela Miroiu, universitaire féministe. Je n'ai pas de mots pour décrire l'humiliation, la brutalité et le mépris des médecins, qui traitaient les femmes comme des animaux. J'ai vécu ma jeunesse sans connaître les jeux amoureux, le plaisir de montrer son corps. La relation amoureuse était associée à la peur de tomber enceinte."

Né en 1968, le cinéaste Cristian Mungiu fait partie de ces bébés apparus après l'interdiction de l'avortement que les Roumains ont baptisés les "decretei", en souvenir du décret 770. Le cinéaste raconte que, dans sa jeunesse, les générations étaient si nombreuses qu'il y avait sept Cristian dans sa classe, comme s'il n'y avait pas suffisamment de prénoms pour tous les enfants.

C'est cette oppression d'Etat des années 1970 et 1980, la clandestinité, la terreur, l'humiliation, qu'évoque Cristian Mungiu dans 4 mois, 3 semaines et 2 jours.

Mirel Bran et Anne Chemin

Le site du film: http://www.432-lefilm.com/


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